Premier magazine dédié à l’économie guinéenne et africaine

Réformes fiscales, exonérations indues, subventions à EDG : le portrait-robot du budget 2022 de l’Etat voulu par Kassory

Emergence – Dans la perspective de la préparation du Budget de l’Etat pour l’exercice 2022, le Premier ministre Ibrahima Kassory Fofana vient d’adresser à son ministre du Budget, une lettre de cadrage et d’orientations budgétaires dans laquelle il rappelle quelques principes qui devront guider les activités d’élaboration du Projet de loi de finances initiale de l’année prochaine. Explications.

Dans ses directives de neuf pages adressées au ministre du Budget, Ismaël Dioubaté, le Chef du gouvernement rappelle que le Budget 2022 de l’Etat doit s’inscrire dans la dynamique amorcée ces trois dernières années, caractérisée par la transparence et la concrétisation de la vision « gouverner autrement ». Il insiste sur la poursuite d’une gestion plus vertueuse et plus efficiente de l’économie nationale ainsi qu’un accroissement significatif des recettes publiques.

Dans un contexte marqué par une contraction de l’activité économique du fait du Covid-19, le Chef du gouvernement appelle à l’élaboration d’un budget qui tient compte de la préservation de la stabilité macroéconomique, avec pour toile de fond, une croissance robuste autour de 5%, le maintien du déficit budgétaire en dessous de 2,7% de PIB et un taux d’inflation à 10%, en dépit de la flambée des prix. 

Par ailleurs, il souhaite une augmentation des dépenses allouées aux secteurs de la santé et de l’éducation pour atteindre  le seuil de 15% du total des dépenses budgétaires, conformément aux engagements de la Guinée. Les crédits budgétaires en faveur des secteurs stratégiques que sont l’agriculture, la pêche et l’élevage doivent également dépasser le seuil minimal de 6% des dépenses du budget de l’Etat.

Tout en exigeant un accroissement des efforts budgétaires en faveur de la digitalisation du secteur public, le Premier ministre demande aussi à son ministre d’intensifier les efforts de mobilisation des recettes internes.

Dans cette logique, il appelle à renforcer la sécurisation des procédures d’attribution et de gestion du numéro d’identification fiscale (NIFp) de la direction nationale des impôts, intensifier les efforts d’immatriculation et de géolocalisation des entreprises, et surtout à améliorer le taux de recouvrement des impôts et taxes à l’effet de réduire d’au moins 50% le stock des arrivés fiscaux.

La visée principale de ces réformes, selon lui, est de relever le taux de pression fiscale de 13% de PIB à  18% de PIB, la moyenne exigée dans la sous-régionale ouest-africaine.

Les exonérations indues

Depuis quelques mois, les autorités guinéennes sont dans une logique de suppression des exonérations accordées au fil des années à certaines entreprises, sans aucune base légale. Dans sa lettre de cadrage budgétaire, Ibrahima Kassory Fofana instruit le ministre Dioubaté de « rationaliser les nombreuses exonérations fiscales ».

Dans la mise en œuvre de ce point, il estime qu’une attention devra porter sur le secteur des mines. Pour lui, un audit des prix des transferts pratiqués par les entreprises minières devra être conduit pour garantir des bases taxables convenables et des rentrées fiscales conséquences. Il veut également une revue des exonérations accordées aux entreprises minières détentrices de conventions postérieures à la réformes du Code minier de 2013 pour s’assurer de leur conformité audit Code réformé. Pour les compagnies installées avant 2013, le Chef du gouvernement souhaite un rapprochement des chiffres pour savoir si les exigences fiscales minimales contenues dans l’actuel Code minier sont respectées.

Rationaliser les dépenses communes

Du point de vue du locataire du Palais de Colombe, le ministre du Budget devra aussi prendre en compte la transparence budgétaire et la gestion efficiente des finances publiques. Une attention particulière doit être portée aux budgets d’affectation spéciale. « Tout doit être mis en œuvre pour consolider les BAS (FODEL, FCE, FODECON) et optimiser les conditions de leur exécution », souligne-t-il dans la lettre, précisant, en outre, la nécessité d’entreprendre « un véritable travail de refonte de la structure des dépenses communes en vue de renforcer la transparence, la prévisibilité et la sincérité de l’exécution budgétaire. »

On rappelle que la gestion rigoureuse des dépenses communes est en marche depuis quelques années. Ces dépenses sont estimées dans la Loi des finances initiale 2021 à 4 782 milliards de francs guinéens contre 5 625 milliards GNF en 2021, soit une baisse de plus de 842 milliards francs.

Kassory insiste dans le courrier à ce que ne soient inscrites en dépenses communes que les dépenses non rattachables à un département ministériel sectoriel. « L’objectif est de ramener le volume des crédits des dépenses communes à moins de 10% du total des dépenses du budget de l’Etat », rappelle-t-il, conseillant des actions de coordination financière entre les ministères du pool économique.

« Maitriser les subventions au secteur de l’énergie »

En 2022, de l’avis du Premier ministre, priorité devra être accordé dans le budget de l’Etat à certains domaines : la lutte contre le Coronavirus, la croissance économique inclusive et partage de la prospérité et le financement des infrastructures. Aussi, le ministre du Budget doit veiller à doter les agences et institutions de l’Etat de développement de volumes de crédits conséquences. Parmi ces institutions figurent l’Agence nationale de l’innovation et de l’économie numérique (ANIEN), l’AGUIPE, le FAGIE (Fonds d’appui aux groupements d’intérêts économiques, le Fonds de développement industriel et des PME (FODIP), l’APIP, le Fonds de développement des arts et de la culture (FODAC).

S’agissant du volte politique, Kassory souligne la nécessité de consolider la démocratie et d’Etat de droit. Et cela devra passer entre autre par un relèvement du niveau des dépenses des ministères de la Défense, la Sécurité et la Justice. Il appelle aussi à prévoir une « dotation budgétaire adéquate » pour le nouveau Cadre permanent de dialogue politique et social.

Enfin, et c’est sans doute un des volets les plus importants, le Premier ministre reconnait que le secteur de l’énergie absorbe une part significative du budget de l’Etat. « Le poids des dépenses est devenu critique pour les finances publiques », avoue-t-il.

Par conséquent, il dit l’obligation de « revoir les bases de définition de la subvention à accorder à EDG en tenant compte des efforts internes de redressement de l’entreprise, tant en matière de dépenses d’exploitation que de celles de revenus. »

« Il vous ai demandé de vous rapprocher du ministère en charge de l’Energie et EDG pour cerner avec rigueur les charges d’exploitation, identifier les efforts permettant d’optimiser les revenus et accélérer la baisse graduelle des subventions au secteur », conclut Ibrahima Kassory Fofana.

 Samuel Camara

contact@emergencegn.net