«Nous vendons ici les habits, mais il y a assez de mévente. Le ballot est devenu cher. Des grossistes chez qui nous nous approvisionnons au grand marché de Madina, avancent l’argument lié à la cherté du dédouanement», raconte Fatoumata Konaté, vendeuse d’habits pour enfants au rond-point de Handallaye, banlieue de Conakry.
Cet espace improvisé en marché par ces vendeurs de friperies, a le vent en poupe. Tenez ! Dès 17heures, dans la soirée, le coin commence à grouiller de monde.
Entre les étals de ces articles-chaussures, tee-shirt, jean, robes, minijupes… et autres habits pour enfants-, il n’est pas rare de voir, se faufiler des clients. Une clientèle, en majorité féminine, n’en est que lassée par la cherté du prix de ces objets de deuxième main qu’elles s’arrachaient pourtant dans un passé récent, moins chers.
Aminata, la vingtaine, en jean moulan, assorti de ballerine, un haut sexy, n’en peut plus. Apostrophée par un journaliste d’emergencegn.net dans la soirée de ce jeudi 28 février, elle ne s’est pas privée de faire part de son amertume. «Moi, je viens acheter des habits et des chaussures ici il y a plus de trois (3) ans. Mais, actuellement, ça coûte cher. Si avant, on pouvait repartir avec un sac plein sans débourser beaucoup d’argent, aujourd’hui, la situation est toute autre. Il n’y a plus assez de différence entre le prix de la friperie et les prêt-à-porter», explique la jeune fille, qui s’affaire ensuite à trier dans le tas d’habits étalés à même le sol, avant de tourner le talon, elle confie : «cela nous décourage, parce qu’on n’a pas les moyens d’aller faire des achats dans les boutiques huppées.»,
Solde, vol
Mariama Kamissoko, vendeuse se défend en indexant la cherté du ballot qui se négocie, selon elle, au grand marché de Madina, entre 1.500.000, 15. 00000, 18.00000 et 2.000000 de francs guinéens. «Vraiment, on s’en sort difficilement. Il y a assez de mévente actuellement. Dès qu’on annonce le prix à un client, il nous fuit aussitôt, indexant la cherté. Un ballot peut passer de deux à trois semaines sans pouvoir l’écouler entièrement », se plaint-elle.
Par jour, dit-elle, on peut vendre 100 mille, 200 mille jusqu’à 400 mille. «Tout dépend de l’affluence des clients. Dès fois, on retourne à la maison, avec zéro vente et des habits qui manquent. Puisqu’il y en a qui profitent aussi pour voler des habits. Il arrive même qu’on soit obligée de revendre au rabais, sans bénéfice, pour ne pas perdre tout notre argent», explique cette jeune dame assise sur un côté de sa marchandise, son enfant occupé, lui, à téter.
«Et, pourtant, nous vendons cette friperie pour subvenir aux besoins de nos enfants à qui nous voulons assurer un avenir radieux. Nous supplions l’Etat pour qu’il allège le dédouanement afin que le prix du ballot baisse», lance-t-elle. Sa voisine, Fanta Kanté, elle, vend des robes pour adultes. Le ballot, elle dit le négocier entre 2.500.000 et 3.000000 de francs guinéens. Mais, chez elle, également, c’est la même rengaine : «C’est très cher. Dès fois, on n’arrive même pas à sortir l’argent investi dans l’achat du ballot. On retrouve même des habits troués dedans, mais les grossistes rechignent à les changer. Ça tourne parfois aux accrochages entre nous. Mais, au finish, c’est nous, les détaillants qui perdons. On nous dit que telle est notre chance», se lamente-telle.
Amourettes
Avant d’ajouter : « par contre que quand il y a abondance des clients, on peut vendre entre 500 mille et 800.000fg de 18 heures et 20 heures».
Mais, depuis trois mois, elle dit pouvoir vendre à peine 300 mille francs guinéens.
Les grossistes qui invoquent la cherté du dédouanement, sont, selon elle, sans pitié dans la fixation des prix. Alors que, rappelle-telle, dans les temps, c’était moins cher.
Une autre évoque le cas des intermédiaires : «ceux qui ont beaucoup d’argent, montent les enchères en allant racheter tous les ballots dans les magasins. Ils fixent, à leur tour, des prix beaucoup plus élevés que prévus. Cela nous fatigue, nous les détaillants qui n’avons pas assez d’argent pour faire comme eux. Nous lançons un appel à l’Etat afin qu’il diminue le prix du dédouanement au port».
Tout à coup, une scène pour le moins insolite, nous attire non loin de là. En effet, une pimpante, clinquante, s’amourache avec son client. Après les embrassades et échanges de quelques amabilités sur fond de retrouvailles, la jeune fille s’en tire avec deux paires de chaussures ballerines, sans en débourser un copeck. Difficile de savoir ce qu’il est réellement, cette cliente apparemment spéciale, n’ayant pas voulu nous en donner l’occasion. Le garçon, lui, se contentera tout simplement de lâcher un large sourire à notre micro. En nous tapotant l’épaule. Sans en dire plus.
Condé Aboubacar, vendeur des chaussures pour hommes, ajoute que face à la cherté, «nous n’avons le choix. Soit, nous cherchons des chaussures bon marché, ou nous nous contentons de celles de valeurs, mais très chères. On fait le tri, pour choisir des belles paires, qu’on lave. La clientèle diminue drastiquement. Quand on prend une paire de chaussure à raison de 50 mille francs, l’unité, on la revend entre 70 mille, 80 mille et 100 mille, c’est à la tête du client», dit Condé. Et d’ajouter : «Ça fait maintenant une année, il n’y pas de marché. Dès fois, on retourne à la maison avec une seule paire de chaussure vendue». L’orateur confie que «nous sommes installés gratuitement ici, personne ne vient nous inquiéter pour quoi que ce soit. On s’organise tout de même à assainir les lieux. On cotise 1000 fg chaque jour qu’on collecte pour remettre aux jeunes du quartier chargés de l’assainissement de cet espace».
Ainsi qu’on le voit, la friperie a le vent en poupe, mais sa cherté risque d’estomper sa notoriété chez la classe moyenne, si l’Etat ne fait rien pour diminuer les frais liés au dédouanement.
Youssouf Diallo