Les industriels, hommes d’affaires et scientifiques bénéficient en Guinée d’un cadre institutionnel leur permettant de sécuriser leurs investissements. Le SPI (Service de la Propriété Industrielle), antenne guinéenne de l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle (OAPI), multiplie les efforts pour contrer les concurrences déloyales.
Dans les couloirs du Centre de Documentation en Propriété Intellectuelle (CDPI), Elhadj Baïlo vient d’obtenir un certificat délivré par l’OAPI dont le siège est à Yaoundé, au Cameroun. « Je suis vraiment satisfait de la célérité avec laquelle mon dossier a été traité », lance-t-il, visiblement heureux.
L’opérateur économique peine à dissimuler sa joie car le sésame qu’il vient de décrocher protège sur une période de 10 ans dans les pays membres de l’OAPI la marque de Chewing-gum qu’il importe.
A l’image Elhadj Baïlo, des dizaines de chefs d’entreprises, hommes d’affaires, chercheurs et institutions de recherches soumettent annuellement leurs demandes de certificat ou de brevet à l’OAPI, via son antenne en Guinée logée dans un bureau huppé au quartier Petit Simbaya, en banlieue de Conakry.
Propriété intellectuelle et innovation
Le SPI se veut une institution stratégique à la pointe de la protection de la propriété intellectuelle, de l’innovation technique et industrielle.
Crée en 1992 et placé sous la tutelle du ministère en charge de l’Industrie, cet organisme travaille principalement avec le secteur privé, comme le souligne son Directeur Général Mamadou Billo Bah. « Nous aidons à protéger les innovations dans tout l’espace OAPI qui compte 17 Etats. Nous sommes là aussi pour protéger le modèle industriel, pour éviter les usurpations et la concurrence déloyale », souligne-t-il.
L’institution reçoit les demandes de certificat sur les marques, les indications géographiques, les noms commerciaux et les demandes de brevet sur les inventions.
Mais la Guinée étant un pays à fort taux de consommation, le SPI enregistre plus de demandes dans le commerce. Lesquelles demandes sont faites soit directement au niveau du service, soit à travers les deux mandataires agrées auprès de l’OAPI dans le pays.
« Nous recevons quelques rares brevets et beaucoup de marques et modèles », commente le Directeur Général Adjoint Ousmane Kaba.
Une Guinée qui invente
La Guinée fait figure de bon élève dans le domaine de l’innovation. Selon nos information, le pays a remporté la médaille d’or au Premier salon africain de l’OAPI sur l’invention et l’innovation technologique tenu l’année dernière à Cotonou, au Benin.
La Fabrication des Pompes à Eau à Labé (FAPEL) par Aguibou Barry en 2000 a valu à l’inventeur un Brevet et un soutien de l’OAPI.
Au SPI on se rend à l’évidence que les Guinéens excellent dans le domaine de la création et de l’invention. « Toutes les universités nous connaissent et beaucoup d’entre elles passent étudier la documentation brevet », assure M. Kaba. « Nous sommes à la recherche d’équipements et de moyens pour pouvoir apporter beaucoup plus notre contribution au développement économique de notre pays ».
Signe que la Guinée bouge dans le domaine de la protection de la propriété intellectuelle, le Service national de la Propriété Industrielle (SPI) a remporté en Décembre 2018, le 2è Prix des meilleurs Structures nationales de liaison derrière le Sénégal et devant la Guinée-Bissau.
Promouvoir les productions locales
Au SPI, l’on est partagé entre satisfaction et amertume. Satisfaction au regard des innovations enregistrées dans le pays. Mais aussi amertume à cause du manque de promotion des produits guinéens.
« Nous avons des produits qui sont nulle part ailleurs dans le monde mais qui sont méconnus. C’est l’exemple du Café Ziama qui a eu la labélisation internationale grâce à notre service », révèle le DGA Ousmane Kaba. « Mais dans notre pays vous n’avez aucune entité économique de transformation de ce café. Dans ce bureau nous savons que l’auteur du premier prototype de machine à taper le bazin est guinéen. Il vit à Conakry. Son invention est breveté OAPI mais n’a bénéficié d’aucune subvention pour sa promotion », se désole M. Kaba.
A la représentation de l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle on déplore que beaucoup de produits guinéens, reconnus dans le monde scientifique, soient toujours dans les tiroirs de leurs inventeurs, faute d’accompagnement technique et financier conséquent.
« Ce qui fait aussi mal, fulminer le Directeur Général du SPI Mamadou Billo Bah, c’est que le guinéen ne consomme pas nécessairement guinéen. La Café Ziama qui a eu le premier Prix au Salon de l’Agriculture en 2012 n’est consommé dans aucun café guinéen. Il est labélisé en tant que première indication géographique ouest africaine mais il est méconnu en Guinée. »
Pour inverser la tendance, le SPI recommande un grand effort de promotion et de consomation des produits à l’échelle nationale.
Contentieux
La demande d’obtention de Brevet ou de certificat est assujetti au paiement de taxes d’enregistrement. Pour le certificat sur le nom commercial par exemple, la taxe varie entre 10.000 et 30.000 francs CFA.
Toutefois, le SPI fait face régulièrement à de contentieux dus à l’usurpation de droits par des tiers. En pareille circonstance l’option privilégiée par l’institution demeure la résolution à l’amiable.
Le dernier cas en date est celui opposant un médecin détenteur de Brevet sur un ruban permettant de suivre l’évolution des grossesses à une ONG qui aurait reproduit la trouvaille pour la distribuer gratuitement.
Le SPI dit avoir procédé par médiation dans un premier temps. Mais celle-ci ayant échoué, les deux parties ont opté pour la Justice.
« On réussit à 95% par la médiation. A 5% on invite la partie lésée à saisir la justice et la justice demande notre avis », indique le Directeur Général Mamadou Billo Bah.
Par Samuel Camara (In Émergence Mag N°002)