Conakry, le 26 juin 2024 – Sous la présidence du Premier ministre, s’est tenue la première réunion de concertation pour l’opérationnalisation du Guinée Business Forum (GBF), en présence des membres du gouvernement et des acteurs du secteur privé.
Organisé par le ministère du Commerce, de l’Industrie et des PME, sous le thème « Quelles réformes pour le secteur privé guinéen ? », le GBF est une plateforme de dialogue visant à améliorer l’environnement des affaires en République de Guinée. Il simplifie les procédures administratives, favorise l’entrepreneuriat et stimule la création d’emplois.
Le GBF offre une occasion unique aux acteurs publics et privés de se rencontrer, d’échanger leurs expériences et de trouver des solutions concertées pour favoriser la croissance économique et le développement durable.
Cette nouvelle plate forme peut-elle assurer la compétitivité des entreprises guinéenne dans le marché unique africain ZLECAF ?
La Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) est entrée en vigueur en 2021, créant un marché unique de plus d’un milliard de personnes. Pour les entreprises guinéennes, il s’agit d’une immense opportunité d’accéder à de nouveaux marchés et de stimuler la croissance.
Cependant, la ZLECAf représente également un défi majeur pour le secteur privé guinéen, qui doit se préparer à faire face à la concurrence d’entreprises plus expérimentées et mieux établies d’autres pays africains.
Autopsie du secteur privé national
Les résultats de l’Enquête Nationale sur l’Emploi et le Secteur Informel en Guinée (ENESIG) réalisée en 2018 ont permis de dénombrer 1.875.412 Unités de Production Informelle (UPI). Les principaux défis à l’amélioration du climat des affaires en Guinée ont trait en autres à :
- L’instabilité politique – L’instabilité politique est liée à un système judiciaire et à un système législatif faible. L’actuel régime militaire conduit par un gouvernement civil a mis en place les institutions de transition notamment le Conseil National de la Transition qui a pour mission principale de rédiger une nouvelle constitution. Concomitamment, il a mis en chantier un vaste programme de refondation de l’État et le secteur privé soutien principalement le renforcement de l’appareil judiciaire.
- L’informalité généralisée – l’économie informelle est généralisée et estimée à 96,5 % du total des emplois.
- Un secteur manufacturier toujours en-deçà – le secteur manufacturier emploi seulement 5,3 % de la main-d’œuvre.
- L’informalité touche davantage les secteurs clés de l’économie – Les trois principaux secteurs d’activité non agricole qui comptabilisent une main-d’œuvre importante dans l’économie informelle sont le commerce (44,4 %), l’industrie (29,3 %) et le service (26,5 %).
- Un secteur informel mal rémunéré, aggravant la pauvreté et le sous-emploi de la main d’œuvre – le taux de salarisation dans les UPI est estimé à 0,4 % d’une part. Le pourcentage de la main-d’œuvre des UPI qui travaillent 40 heures ou plus par semaine est estimé à 81,5 %.
- Un système d’emplois insuffisant, concernant la création d’emplois – 37,1 % des jeunes de 15-35 ans ne poursuivent aucune formation scolaire et ne participent pas au marché du travail. Par ailleurs, la durée moyenne de chômage est la plus élevée ici : 9,3 ans au niveau national. Le taux le plus bas dans l’ensemble de la région étant enregistré au Togo (3,9 ans). Selon toute attente, elle est plus longue chez les jeunes demandeurs d’emplois (primo- demandeurs) que chez les anciens actifs, 9,9 ans et 7,5 ans respectivement.
- Un sous-développement du capital humain du fait d’un système éducatif faible – la Guinée est classé 178ème sur 189 pays en ce qui concerne l’indice de développement humain avec 0,477. Le taux net de scolarisation au secondaire le plus bas de la région dans l’UEMOA est enregistré ici (3,1 %), la moyenne régionale étant de 34,9 %.
- Un secteur privé faible du fait de l’insuffisance du passage des entreprises informelles vers leur formalisation – Il ressort que seulement 3,3 % d’UPI paie les impôts sur leurs activités. Tandis que 19,7 % d’UPI se disent prêts à payer les impôts sur leurs activités si une amélioration du climat des affaires notamment de la fiscalité en vigueur, des procédures administratives et judiciaires, se dessine.
- Une corruption très élevée – selon le rapport 2020 de Transparency International, le Guinée occupe la 137ème place sur 180 pays, ce qui prouve également une absence d’État de droit dans le pays, notamment de système judiciaire efficace. Beaucoup d’efforts restent encore à faire en Guinée pour l’avancée en matière de pouvoir législatif, de système judiciaire notamment d’État de droit pour la stabilité du pays, l’amélioration du climat des affaires en particulier.
Opportunités offertes par la ZLECAf pour le secteur privé guinéen
La ZLECAf offre aux entreprises guinéennes un certain nombre d’opportunités:
Un accès à un marché plus large : la ZLECAf permettra aux entreprises guinéennes de vendre leurs produits aux consommateurs dans tout le continent africain.
Des coûts d’approvisionnement réduits : la suppression des droits de douane et des autres obstacles au commerce permettra aux entreprises guinéennes de réduire leurs coûts d’approvisionnement.
De nouvelles opportunités d’investissement : la ZLECAf devrait attirer de nouveaux investissements en Guinée, ce qui pourrait créer de nouveaux emplois et stimuler la croissance.
Défis à relever par le secteur privé guinéen pour tirer une partie de la ZLECAf
Pour tirer une partie des opportunités offertes par la ZLECAf, le secteur privé guinéen devra mettre en oeuvre un certain nombre de réformes notamment :
Des réformes pour un secteur privé guinéen plus compétitif
Cette première réunion du comité de pilotage du GBF a permis de présenter six (6) réformes majeures pour analyse et avis avant validation. Ces réformes visent à :
- Réduire les coûts et délais des procédures administratives ;
- Faciliter l’accès au foncier
- Renforcer la protection de la propriété intellectuelle
- Promouvoir la formation professionnelle;
- Renforcer le partenariat public-privé;
- Améliorer la compétitivité : les entreprises guinéennes doivent améliorer leur productivité et leur efficacité afin de pouvoir faire face à la concurrence des entreprises d’autres pays africains.
- Accéder au financement : les entreprises guinéennes devront trouver de nouveaux moyens d’accéder au financement, tels que le capital-risque et les fonds d’investissement.
- Mettre à niveau les infrastructures : le gouvernement guinéen devra investir dans la mise à niveau des infrastructures du pays, telles que les routes, les ports et l’électricité.
- Améliorer le climat des affaires : le gouvernement guinéen devra s’efforcer d’améliorer le climat des affaires dans le pays en réduisant la corruption, la bureaucratie et les réglementations complexes.
La ZLECAf est une opportunité majeure pour le secteur privé guinéen.
Cependant, pour tirer une partie de cette opportunité, les entreprises guinéennes doivent relever un certain nombre de défis.
Le gouvernement guinéen devra également jouer un rôle dans la création d’un environnement favorable à la croissance du secteur privé.
Grâce aux efforts concertés du secteur privé et du gouvernement, la Guinée peut tirer une partie de la ZLECAf pour devenir un moteur de croissance économique et de prospérité pour l’ensemble du continent africain.
Mohamed Camara
Cabinet MOCAM