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Ce qu’il faut savoir sur la notion des Organismes publics autonomes

Ces derniers temps les Organismes Publics Autonomes sont au centre des attentions tant sur le rapatriement des comptes des Établissements Publics à caractère Administratif (EPA) à la Banque Centrale que sur le versement des dividendes de l’Etat.

Lors du dernier conseil des Ministres, il a été même annoncé l’objectif 0 EPA en 2023 :« La Session Ordinaire du Conseil des Ministres s’est tenue ce jeudi 02 Février 2023 de 10H à 12H, sous la Haute Autorité de son Excellence Monsieur le Président du CNRD, Président de la Transition, Chef de l’État, Chef Suprême des Armées, le Colonel Mamadi DOUMBOUYA.

Au titre du premier point : le Chef de l’État a rappelé qu’un compte-rendu d’étape sur les dividendes avait été fait pour les deux premières semaines de recouvrement…. Au titre du troisième point relatif au rapatriement des avoirs de l’État, le Président de la Transition a mis en demeure les Ministres concernés de lui apporter des éclaircissements non seulement sur le montant des avoirs rapatriés à date à la Banque Centrale et à la Banque Nationale d’Investissement de Guinée (BNIG) au compte des EPA et sociétés publiques, mais aussi sur le nombre d’entités qui ne sont pas encore exécutées, moyennant justifications … Le Ministre Directeur de Cabinet de la Présidence de la République a informé le Conseil que dans le cadre de la refondation de l’État et de la Rectification Institutionnelle, la vision du CNRD et celle du Président de la Transition et du Gouvernement sont d’atteindre l’objectif Zéro EPA en 2023. Cela s’explique par le constat selon lequel plusieurs d’entre elles coûtent plus chères à l’État et ne rapportent quasiment rien en retour au budget national. » extrait du compte rendu du Conseil des Ministres

Dans cet article nous allons parler du cadre légal des organismes publics autonomes, la définition d’un  EPA, la notion du compte unique du trésor, les dividendes de l’Etat et les formes de dissolutions des ces organismes avant de conclure.

LE CADRE LEGAL DES ORGANISMES PUBLICS AUTONOMES

  1. DEFINITION D’UN ETABLISSEMENT PUBLIC
  • SELON LES DISPOSITIONS DE LA LOI ORDINAIRE L/2018/025/AN du 03 juillet 2018 AN PORTANT ORGANISATION GENERALE DE L’ADMINISTRATION PUBLIQUE

Article 13 La structure ministérielle comprend : a.      le Cabinet ; b.        le Secrétaire Général ; c.         les Services  d’appui  d.    les Directions Nationales; e.        les Directions Générales ; f.         les Services  Rattachés . g.         les Services Déconcentrés  qui  comportent  : h.        les Organismes Publics  Autonomes ; a.      les Projets et Programmes Publics ; j.    les Organes consultatifs.

Article 86     Les Organismes publics de l’État sont des services publics dont la gestion est confiée par l’autorité publique à une personne morale distincte dotée de l’autonomie financière. Ils sont dotés d’une personnalité morale et d’une autonomie financière pour accomplir une mission spécifique de gestion.

Article 87     Conformément à la Loi portant gouvernance financière des sociétés et établissements publics, les institutions qui relèvent de la catégorie des organismes publics autonomes sont :

  • Les Établissements Publics Administratifs, lorsque leur activité est principalement administrative et leurs ressources proviennent majoritairement du budget de l’État. Le droit administratif leur est applicable ;
  • Les Sociétés Anonymes, lorsque leur activité principale est de nature industrielle et commerciale et leurs ressources proviennent majoritairement de la vente de biens et services. Dans ce cas le droit des sociétés leur est applicable.

Article 88     Les modes de créations des organismes publics autonomes et les modalités de leur gouvernance sont déterminés par une Loi.

  • SELON LES DISPOSITIONS DE LA LA LOI L/20217/056/AN MODIFIANT CERTAINES DISPOSITIONS DE LA LOI L/2016/075 AN DU 30 DECEMBRE 2016 PORTANT GOUVERNANCE FINANCIERE DES SOCIETES ET ETABLISSEMENTS PUBLICS EN REPUBLIQUE DE GUINEE

Article 7 :  L’action de l’Etat est mise en œuvre par les directions et services des Ministères, Administrations centrales ou services déconcentrés, placés sous l’autorité directe d’un Ministre et dont les dépense sont financées par le budget de l’Etat.

Toutefois, par exception à ce principe général, l’Etat peut recourir à la création d’organismes publics autonomes pour répondre à l’un des objectifs suivants :

  • Créer un cadre de coopération administrative entre plusieurs Ministères différents et associant, le cas échéant, des partenaires extérieurs de l’Etat, notamment des collectivités locales, les bailleurs de fonds internationaux ou des organisations non gouvernementales ;
  • Assurer la production et la fourniture d’un bien ou service d’intérêt général lorsque l’organisation des services de l’Etat ne constitue pas un cadre efficace ;
  • Développer une activité marchande de production et de commercialisation de biens ou de services d’intérêt général ou favorisant le développement économique de la Nation.

Les objectifs prévus à l’alinéa premier concernant la création des établissements publics administratifs.

Aucun organisme public autonome ne peut être créé s’il ne répond à l’un des objectifs ci-dessus

  • SELON LES DISPOSITIONS DU REGLEMENT GENERAL SUR LA GESTION BUDGETAIRE ET LA COMPTABILITE PUBLIQUE

 Article 100 Les établissements publics administratifs sont des personnes morales de droit public dotées de l’autonomie financière et de gestion, ayant reçu de l’État, un patrimoine d’affectation en vue de la réalisation d’une mission d’intérêt général. Ils ne peuvent exercer à titre principal aucune activité industrielle et commerciale. Leurs ressources financières sont constituées principalement de subventions du budget de l’État et, accessoirement, de recettes diverses Un établissement public administratif ne peut ni emprunter, ni prêter. Tout projet de texte, législatif ou réglementaire, portant création ou modification d’une entité publique, quels que soient son statut et son régime juridique est soumis pour accord préalable du Ministre chargé des finances. .

Article 101 Les établissements publics administratifs sont placés sous la tutelle administrative d’un Ministre sectoriel et sous la tutelle financière du Ministre chargé des finances. Ils sont administrés dans les conditions prévues par les textes qui les ont institués par des conseils, comités ou commissions désignés dans le présent Règlement Général sous le terme de «conseil d’administration» et, sous l’autorité et le contrôle de ce conseil, par un directeur, ordonnateur de l’établissement. Cet article rappelle les grands principes de « gouvernance » d’un EPA : il est dirigé par un directeur, ayant la qualité d’ordonnateur, sous le contrôle d’un conseil, l’ensemble étant soumis à la classique double tutelle, financière et technique

  1. QUE DIRE DE LA DOMICILIATION DES COMPTES DES ETABLISSEMENT PUBLICS ?

La loi est très claire au sujet de la domiciliation des comptes des EPA comme l’atteste ces dispositions de la LORF et DU RGGBCP

« Sauf disposition contraire d’une loi de finances, les organismes publics sont tenus de déposer toutes leurs disponibilités au Trésor Public. En outre, dans les conditions prévues en loi de finances, des personnes privées peuvent être autorisés ou contraintes de déposer certains de leurs fonds au Trésor Public. Ces comptes de correspondants du Trésor Public, ouverts par des organismes publics ou des personnes privées, ne peuvent être débiteurs »  Article 43. LOI ORGANIQUE RELATIVE AUX LOIS DE FINANCES

« Les ressources publiques sont toutes, quels qu’en soient la nature et l’attributaire, encaissées et gérées par des comptables publics nommés par le Ministre chargé des finances et placés sous son autorité. Elles sont versées et conservées dans le compte unique du Trésor ouvert au nom de l’État à la Banque Centrale de la République de Guinée. Aucun compte ne peut être ouvert ni par l’État, ni par un autre organisme public dans une banque commerciale, sauf dans les cas et sous les 38 I. conditions déterminées en loi de finances. Les dépenses publiques sont payées à partir du compte unique du Trésor sur ordre des comptables publics. » Article 71 LOI ORGANIQUE RELATIVE AUX LOIS DE FINANCES

Article 35 Toutes les ressources de l’État, y compris les ressources extérieures affectées au financement de projets par les bailleurs de fonds internationaux, sont immédiatement déposées dans le compte unique du Trésor ouvert à la Banque Centrale de la République de Guinée. Le compte unique du Trésor réunit tous les comptes ouverts par l’État au nom des comptables publics à la Banque Centrale dans des conditions permettant d’assurer l’unité de trésorerie de l’État. Une convention entre l’État et la Banque Centrale de la République de Guinée fixe les conditions et modalités de fonctionnement de ce compte unique du Trésor »

« Toutes les personnes de droit public sont, à l’exception des établissements publics industriels et commerciaux, tenues de déposer leurs fonds au compte unique du Trésor en tant que correspondants du Trésor. Sauf autorisation donnée par le Ministre chargé des finances, il ne peut être ouvert, au sein du compte unique du Trésor, qu’un seul compte par correspondant du Trésor. Ces comptes de correspondants du Trésor ne peuvent être débiteurs. Le Ministre chargé des finances arrête les conditions d’ouverture et de fonctionnement des comptes des correspondants du Trésor. «  Article 40 REGLEMENT GENERAL SUR LA GESTION BUDGETAIRE ET LA COMPTABILITE PUBLIQUE

« Les fonds des établissements sont déposés par l’agent comptable dans un sous-compte du compte unique du Trésor Public à la Banque Centrale de la République de Guinée dont il est le seul signataire. En application du principe d’unité de trésorerie, les fonds des EPA sont déposés au compte unique du Trésor par le comptable public: l’EPA ne peut avoir aucun compte dans une banque commerciale. » Article 116 REGLEMENT GENERAL SUR LA GESTION BUDGETAIRE ET LA COMPTABILITE PUBLIQUE

  • L’EXCEPTION AU PRINCIPE DU COMPTE UNIQUE DU TRESOR

« Par exception à l’article 35 du présent Règlement Général, l’ouverture d’un compte dans des établissements de crédit agréés peut être autorisée par le Ministre chargé des finances : •soit, dans des localités non desservies, en Guinée ou à l’étranger, par des agences de la Banque Centrale de la République de Guinée ou par une agence d’une banque la représentant •soit, à titre transitoire, pour y déposer certains fonds mobilisés dans le cadre de conventions de financement avec des bailleurs de fonds internationaux, lorsque la convention de financement signée entre le gouvernement et le bailleur le prévoit expressément. Ces établissements de crédits doivent avoir préalablement été agréés par le ministère chargé des finances en liaison avec la Banque Centrale de la République de Guinée, dans les conditions fixées par la convention entre l’État et la Banque Centrale de la République de Guinée visée au dernier alinéa de l’article 35 du présent Règlement Général.»Article 37 REGLEMENT GENERAL SUR LA GESTION BUDGETAIRE ET LA COMPTABILITE PUBLIQUE

  1. DANS QUELLES CONDITIONS LES ORGANISMES PUBLICS AUTONOMES VERSENT DES DIVIDENDES A L’ETAT ACTIONNAIRE ?

Les EPA ne versent pas de dividendes à l’Etat ce sont les sociétés publiques ou mixent qui versent des dividendes à l’Etat suivant les dispositions : « Toutes les sociétés anonymes dans lesquelles l’Etat détient une participation versent à l’Etat un dividende fixé en application du droit des sociétés.

S’agissant des sociétés publiques, les délibérations de leur conseil d’Administration fixant les dividendes doivent être approuvées par le Ministre des Finance.

En ce qui concerne les sociétés mixtes, la distribution des dividendes se fait conformément aux stipulations du droit des sociétés commerciales et les délibérations de leur Conseil d’Administration fixant les dividendes ne sont pas soumises à approbation du Ministre chargé des Finances ou à toute autre autorisation administrative. » Article 64 de LA LOI L/2016/075 AN DU 30 DECEMBRE 2016

  1. DE LA DISSOLUTION DES EPA

Les EPA sont dissouts dans les mêmes conditions de forme que leur création c’est-à-dire par décret

« En cas de dissolution de l’établissement public administratif, le décret de dissolution pris sur rapport conjoint du Ministre chargé des finances et du Ministre de tutelle, fixe les modalités de liquidation et de dévolution des actifs de l’établissement. Un liquidateur et un comité de liquidation sont nommés par arrêté conjoint du Ministre chargé des finances et du Ministre de tutelle. Le compte de liquidation de l’établissement, annoté des observations du liquidateur et du comité de liquidation, est arrêté et transmis à la Cour des comptes dans les mêmes formes que pour le compte de gestion, définies à l’article 60 du présent Règlement Général. Article 123 REGLEMENT GENERAL SUR LA GESTION BUDGETAIRE ET LA COMPTABILITE PUBLIQUE

  1. DES DISPOSITIONS TRANSITOIRES DE LA LOI 056

Vous comprendrez dès lors que la LOI 056 n’est toujours pas entièrement applicable

Article 71 : Au plus tard un an après la promulgation de la loi, un recensement de l’ensemble des organismes publics doit être effectué par le Ministère des finances.

Sur la base de ce recensement, il sera procédé par le décret du Président de la République sur rapport du Ministre chargé des finances à :

  • La suppression des organismes publics n’ayant pas d’activité ;
  • La réintégration au sein de l’administration centrale des organismes publics dont l’autonomie juridique n’est pas justifiée ;
  • La transformation des établissements publics industriels et commerciaux, dont le maintien a été décidé, en établissement public administratif ou en société publique détenue à 100% par l’Etat ;
  • La fusion des organismes publics ayant des activités similaires ou voisines ;
  • La cession ou la transformation en organisme public autonome des filiales dont l’activité n’a pas de lien direct avec l’activité de la mère
  • CONCLUSION :

Nous pouvons dire :

  • Le législateur guinéen a prévu les conditions de création, de fonctionnement et même de liquidation des établissements publics à caractère Administratif ;
  • Les comptes des EPA doivent être dans le compte unique du trésor ;
  • Les EPA n’ont pas pour vocation de rapporter des dividendes à l’Etat contrairement aux sociétés publiques, ils assurent une mission de service public avec les subventions de l’Etat ;
  • L’exécutif a le choix de créer ou de dissoudre les EPA suivant sa politique, il faut juste s’assurer que les actions soient conformes aux lois de la République.

Par Mohamed CAMARA

Économiste Consultant Associé Gérant du Cabinet Conseil MOCAM CONSULTING