Premier magazine dédié à l’économie guinéenne et africaine

Tourisme : un développement mi-figue, mi-raisin… (notre constat)

Paradoxalement, la Guinée, anciennement appelée ‘’Perle de l’Afrique de l’Ouest’’, vend une image qui est loin de refléter ce que Dame nature lui a donné. Bercée par l’océan atlantique avec un littoral de 300 km, la Guinée présente pourtant des atouts inestimables pour son décollage touristique. Aux régions naturelles que compte le pays, correspondent des paysages et contrastes variés. A la clé, une verdure et un écotourisme parfaitement adaptés pour la viabilisation d’un secteur abandonné à lui-même.

Le commun des Guinéens est estomaqué de voir un pays s’enfoncer davantage dans une pauvreté pourtant surmontable. Le potentiel touristique guinéen s’apprécie à l’aune de la faune, de la flore, du climat et du relief. Des données, somme toute, évocatrices d’un paysage magique et enchanteur. Tout ce qu’il y a de beau s’est donné rendez-vous sur ce territoire de 245 857 km carrés pour une population estimée à 12 millions d’habitants.

Très malheureusement, le pays est confronté à un manque criard de volonté politique. Muettes comme une carpe, les autorités en charge du secteur touristique ne semblent avoir les moyens de leur politique. Le département même, fait partie des lieux moins fréquentés, signe évident d’un immobilisme qui ne dit pas son nom. Et comme si cela ne suffit pas, la valorisation et autres viabilisations des sites ne sont pas à l’ordre du jour. Les stations balnéaires ne font pas partie du lexique du pays. Et ce ne sont des endroits qui manquent pour jeter son dévolu sur ce tourisme qui fait connaitre certains pays de la sous-région. Les iles de Loos, au large de Conakry, constituent l’un des rares lieux d’attractions qui permettent à la jeunesse de la capitale de s’égayer et de s’évader. L’ile de Kassa manque cruellement d’aménagement pour tous ceux qui quittent le continent pour une partie de plage.

A Conakry, ce sont d’autres images de saleté qui rendent la plupart des plages infréquentables. Elles sont même devenues de véritables lieux de débauche où drogue et sexe se côtoient à souhait. L’alcool et autres boissons locales y coulent à flot.

L’écotourisme s’éteint à petit feu …

Pis, le secteur touristique, malgré son potentiel paradisiaque, n’est pas logé à la même enseigne que les mines. Les efforts déployés pour permettre à la Guinée de jouer dans la cour des premiers pays exportateurs de la bauxite est comme l’épée de Damoclès suspendue sur l’écotourisme. Celui-ci un secteur promis à un bel avenir si la protection de l’environnement n’est pas que slogan seulement.

L’écologie et l’environnement sont englués à la merci des feux de brousse. Les forêts sont détruites au vu et au su des autorités. Dame nature risque de prendre congé du pays à l’allure vertigineuse de la canicule. Il ne faut pas se voiler la face, l’écotourisme s’enfonce désormais dans un magna de destruction massive du cadre naturel. Toute chose qui maintient le pays au rang des derniers dans un secteur potentiellement porteur de croissance, conséquences sans doute de l’occupation anarchique du domaine public maritime par de gros bonnets. Conakry est l’une des rares capitales qui n’a de corniches dans le vrai sens du terme.

Hôtels pour riches…

Il faut dire que tout l’effort des autorités se limite à la construction des infrastructures hôtelières à coup de milliards de francs guinéens. Ces hôtels poussent dans le pays comme des champignons. Seulement voilà, les lumières de ces luxueuses chambres sont continuellement éteintes faute de clients. La nuitée coûte les yeux de la tête. Les tickets des soirées sont vendus à prix d’or pour qui connait le niveau de revenu du Guinéen moyen. Et comme pour ne rien arranger, les mets du pays y sont généralement absents. La nourriture et autres boissons ne sont pas à la portée de toutes les bourses.

Au pays des rendez-vous manqués, le contraste est saisissant et même déconcertant. La lourdeur administrative et le pot-de-vin découragent des investisseurs dans un secteur qui fait des merveilles ailleurs. Et ce n’est pas la gouvernance qui permet au pays de s’offrir une place de choix pour des destinations sans risque.

L’insécurité et le comportement de certains agents en service à l’aéroport, principale entrée des étrangers, ne sont pas de nature à rassurer les touristes. Des objets des voyageurs en séjour tout comme en partance, sont dérobés comme par enchantement. On y dit la Caverne d’Ali Baba.

Musées aux abonnés absents…

C’est une véritable descente aux enfers pour le musée national de Sandervalia. Un endroit qui devrait servir de lieux de visites aux touristes, est réduit à sa plus petite expression : un conglomérat de bâtiments comme il en existe partout à Conakry. Le délabrement et la décrépitude des pièces muséales se passent de commentaires. Les bâtiments eux-mêmes sentent la moisissure. D’ailleurs, une partie du musée sert à imprimer des journaux de la place et aux activités commerciales.

A l’intérieur du pays, les sites touristiques sont dans un état de détérioration avancé. Au musée de Boké, même désolation. Les objets et la poussière cohabitent dans un bâtiment de style colonial impressionnant. A mi-chemin entre un site négrier, qui a vu de valeureux et braves fils de la Guinée traverser l’océan atlantique pour un voyage sans retour, et l’hôtel Rio Nuñez dont la piscine manque d’eau.

Gardien du patrimoine historique et culturel, l’Etat brille par une absence notoire dans le secteur du tourisme. En un mot comme en mille.

Mohamed J. Morgan
Source : Magazine Emergence